Témoignage, Denise Adler, Pâques 2019

Lorsque la commune où j’habite a été sollicitée pour loger 100 migrants dans son abri de protection civile en 2015, les autorités ont négocié pour en accueillir 50, mais avec un accueil de qualité. Nous les voyions à la télévision monter par la Grèce et l’Italie, quelques jours plus tard ils étaient là. La population a été sollicitée pour donner des linges éponge et des vêtements. Quand on leur a demandé de quoi ils avaient besoin, ils ont souhaité apprendre le français. L’appel a été transmis par une diacre de l’Eglise Protestante, Anne-Mad Reinmann. Je me suis souvenue que j’avais été enseignante et je me suis inscrite. C’était le début d’une belle aventure humaine.

Nous étions 4 à donner un cours par semaine, j’ai rarement vu des étudiants aussi attentifs et appliqués. Un projet de jardinage s’est greffé sur l’étude, ils venaient par petits groupes dans mon jardin débroussailler, planter, arroser et ils livraient à la cantine de l’abri une caisse de salades et de fruits de saison chaque semaine. Comme ils ne voulaient pas être redevables, ils ont invité les bénévoles à des fêtes pour lesquelles ils ont cuisiné des plats de chez eux, et dansé. Lorsque l’école de la commune a fermé pour les vacances d’été, le cours a continué dans mon jardin, à l’ombre d’un arbre. A la fin de l’été, ils ont été convoqués pour des cours officiels. Plusieurs d’entre eux ont continué à venir au jardin, 2 m’ont demandé de les accompagner dans leur procédure d’asile et diverses démarches. Certains ont été reconnus comme réfugiés, d’autres ont reçu une admission provisoire ou au pire une menace de renvoi. Nous partageons les soucis et les joies.


Trois années ont passé, c’est l’accès à l’emploi qui les préoccupe. La guerre ne leur a pas permis d’avoir une formation ou de terminer des études. Certains ne sont pas allé à l’école du tout avant d’arriver en Suisse. Les bénévoles qui sont regroupés en association sont toujours actifs, certains avec des familles, d’autres avec les jeunes gens. Nous sommes en train de mettre en place une permanence de soutien pour le français et l’emploi. De plus en plus d’employeurs exigent que les demandes soient transmises par voie électronique. C’est un défi de plus que nous allons relever.


Avant leur arrivée, je n’avais que peu de contact avec les autorités communales. Les nécessités de la coordination nous ont permis de mieux nous connaître et nous apprécier. Pour la première fois, j’ai senti que nous tirions à la même corde. L’ambiance s’est bien améliorée. Pourtant, dans certains quartiers, l’annonce de l’arrivée de migrants soulève des oppositions. Par mon expérience, je pense que pour nos sociétés vieillissantes et confortables, ils apportent beaucoup. Par leurs différences, ils sont complémentaires. Avec leur courage, leur résilience, leur jeunesse et leurs espoirs, ce sont des cadeaux ! A nous de les recevoir…