Jésus n’est pas resté dans les clous, retour sur Pâques 2019

Du cœur de la nuit au point du jour. Récit d’un moment « hors les clous ». On a suivi une manifestation hors du commun. Des étoiles aux surprises de la forêt. Reportage jusqu’à l’aube.

Marc Bretton, journaliste à la Tribune de Genève, a accompagné ces événements :

Pèlerinage nocturne et rencontre inattendue entre sciences et religion

« Et le Christ dans tout ça ? » On lance la question au pasteur Jean-Michel Perret au cœur de la nuit, après la conférence scientifique et musicale à l’observatoire de Sauverny. Il est deux heures du matin dimanche et la présentation de l’astrophysicien Georges Meynet n’a pas effleuré le sujet. «On doit chercher la vie ailleurs, répond le pasteur. Pour les Anciens, elle était dans les cieux et eux se trouvaient sur la terre. Pour nous, c’est en nous-même qu’il faut la chercher.»

Puis il se met en marche, suivi d’une vingtaine de courageux qui ont décidé de cheminer jusqu’au lac pour y arriver au jour levant. Et c’est ainsi ce soir-là que se rassemble l’étrange et mouvante communauté des croyants, des «chrétiens distanciés» et des athées, qui tentent de vivre un moment commun de spiritualité.
©Laurent Guiraud /TdG

Tout commence à minuit, à l’Observatoire de Sauverny, où une cinquantaine de participants prennent place dans le grand auditoire. Georges Meynet, astrophysicien, nous reçoit, avec son collègue Laurent Eyer et un étudiant EPFL de 3e année, Simon Prêcheur Llarena. Ces trois chercheurs offrent une performance juste là, au milieu de la nuit. Simon Prêcheur en nœud papillon rouge et Laurent Eyer en queue-de pie, qui ont plus d’une corde à leur arc dont l’accordage d’un vieux piano qui semble exhumé des profondeurs de l’univers, ont composé le « carnaval des planètes » sur la base des gammes que Kepler a associées à chaque planète déjà découverte à son époque. Georges Meynet introduit à l’exploration du ciel en rappelant que le cadeau que nous ont fait les premiers hommes qui sont allés sur la lune, c’est la terre. En effet c’est à ce moment la première fois que l’homme a pu prendre une image de la terre. Ses paroles sont de la pure poésie, et il confirme : « l’astronomie est la seule forme de poésie subventionnée par l’État».

Idoia Etxgarai, pianiste, interprète les planètes de nos deux compositeurs, qui démontrent les théories astronomiques à coup d’ananas et de dessins au tableau noir, des images immenses s’enchainent sur grand écran. Nous buvons les notes et les paroles des astrophysiciens, les cratères de Mercure portent tous des noms d’artistes tel Giotto, à deux exceptions près, la première photo de Mars est noire à cause d’une erreur d’atterrissage, le parachute s’étant déployé sur l’appareil photo. Kepler souhaitait un univers parfait, il a dû se faire une raison, les planètes ne tournent pas rond mais de manière elliptique. Et sont donc à la périphérie, mais pas au centre. Georges Meynet interroge, se trouver à la périphérie et pas au centre de tout, n’est-ce pas finalement ce qui nous fait grandir, car cela permet de faire des liens ?

©Laurent Guiraud /TdG
©Laurent Guiraud /TdG
©Laurent Guiraud /TdG

A deux heures du matin, en silence, les marcheurs entament le trajet jusqu’aux Bains des Pâquis. « C’est aller vers soi le long de la Versoix » ressent une dame. L’allure est rapide, la nuit dans les bois remplie de paix. Une pause dans la salle de paroisse de Collex pour croquer une pomme, écouter les paroles de Jean-Michel Perret sur la (les) signification (s) de Pâques. Echanges sur les raisons de la présence des uns et des autres. Une autre pause à la chapelle des Crêts, les chants s’élèvent, il est cinq heures trente du matin.

La dernière partie de la marche est urbaine, le ciel rose se reflète à travers et dans les bâtiments des organisations internationales et la maison de la paix. Nous arrivons aux Bains des Pâquis, nous arrivons au bout de quelque chose. Les bancs sont préparés en demi-cercle face au lac. Nous nous asseyons, sentons les 18 kilomètres parcourus. « Nous ne sommes pas dans une église, glisse une marcheuse. Qui enchaine : si, l’église est bien là, autour de nous ».

©Laurent Guiraud /TdG
©Laurent Guiraud /TdG

Face au lac totalement lisse, on chante au cœur de l’arbre (Graeme Allwright), parce qu’au cœur de l’arbre il y a la planche, et que de deux planches ont fait la croix, qui tient Dieu dans ses branches. Plusieurs intervenants témoignent de leur engagement auprès des migrants, de leur foi, de Pâques. On chante le vent, qui souffle où il veut. Ernst Zürcher, professeur, chargé de cours à l’EPFL, nous parle des arbres. Il explique la théorie de l’effondrement (collapsologie) et les éléments que nous avons en main pour que cet effondrement ne se produise pas.

Il n’est ensuite pas tout-à-fait facile de se séparer des compagnons de la nuit, même si nous ne nous connaissions pas avant, même si nous avons marché en silence. Un lien a été créé.