Une étoile au ciel, et sur terre ?
Elle brille haut dans le ciel, enfin au moins une fois par année on s’en souvient, grâce à elle les cadeaux sont arrivés à bon port même si au fond il n’y avait pas besoin de myrrhe, d’or et d’encens, elle est dans toutes les images de Noël, tous les contes, toutes les histoires, tous les poèmes. Elle est une boussole, un repère, la Source, signe éternel de ce qui nous transcende. Une étoile au ciel, et sur terre ? Drôle de question. Ici, et maintenant – Faut-il chercher, et où faudrait-il en chercher un reflet, un trace, un signe tangible ?
Faudrait-il chercher l’étoile au loin, contrées poivrées aux cueilleurs de thé bidonvillés exploités, au pôle nord qui fond, dans les camps de déplacés, dans le canon d’un fusil vendu par la Suisse à un enfant-soldat de dix ans à l’extrémité d’un autre continent, sur l’Aquarius, dans un complexe de vacances grec remplis d’allemands, dans le sixième ascenseur au fond à gauche d’un paquebot de croisière, dans les mines de cobalt ou les fabriques de pièces d’I-phone ?
Est-elle hors d’atteinte, cette étoile de sur terre ?
Faudrait-il chercher l’étoile juste à côté de chez soi, le long d’un trottoir, devant la poste ou même dedans, sous les rayons à la Migros, au cœur de la tulipe urbaine, entre la piste cyclable et le 4×4, derrière l’école ? A la bibliothèque, chez la voisine, au bar du coin, à la maison de quartier, au théâtre de marionnettes, dans l’atelier de l’artiste, chez le cordonnier ?
Est-elle hors d’atteinte, cette étoile de sur terre ?
Faudrait-il chercher l’étoile seul, sur le chemin de Compostelle, sur les sentiers de la gloire, sur Hollywood Boulevard, à genoux dans une chapelle, au bout d’un jeûne de quarante jours, au désert, en quittant tout, à la fin d’un Ultra-triathlon, par une nomination, sur la scène de l’Olympia, être le dernier sur l’île dans Fortnite, derrière un placard, dans une barque sur le lac, au plus profond de son vide le plus intime ?
Hors d’atteinte, cette étoile de sur terre ? Même avec une épuisette, un filet, une canne à pêche ? Ou juste tendre la main.
L’étoile est sur le chemin de l’école de la fille de la cueilleuse de thé, l’étoile est dans le regard échangé avec la caissière de la Coop qui est n’est pas encore robotisée, l’étoile est bien dans la tulipe urbaine, l’étoile est dans une bière partagée sous un tilleul, l’étoile est Charlie, l’étoile est une pomme accrochée à un sapin, l’étoile est dans un mot repêché, l’étoile est dans les interstices, l’étoile est entre la virgule et le mot, l’étoile est comme, suivant Gustave Roud qui traduit Novalis, comme le paradis dispersée sur terre en morceaux et c’est au poète de les rassembler, l’étoile est dans les éclats de lumière que sont les moments de grâce, l’étoile, boussole au ciel, oui est bien aussi sur terre selon la direction de chacun, sextant d’espérance, sinon tout cela ne sert à rien, et je crois que tout cela sert, au moins un peu, au moins plus qu’un peu.