Par Jean-Michel Perret, le 20 mai 2020
Les nouvelles sur le front du coronavirus sont bonnes, notre grand prêtre Daniel Koch de l’OFSP se montre presque guilleret, l’anxiété d’il y a quelques semaines où la menace planait sur nos têtes semble déjà loin. Et peut-être, alors qu’on se découvrait vulnérable, avez-vous fait comme moi votre examen de conscience en vous demandant quand votre vie s’était trouvée en jeu ces dernières années et dans quelles circonstances.
En ce qui me concerne, c’est sur mon vélo électrique qu’à deux reprises, dans la campagne genevoise, ma vie aurait pu basculer. Une automobiliste, trop affairée à converser avec son passager, ne m’a tout simplement pas vu en me dépassant. Une autre fois, un motard n’a pas compris pourquoi les voitures devant lui freinaient pour me laisser tourner à gauche, il a dépassé la colonne à une vitesse élevée. Dans les deux cas il s’en est fallu de quelques centimètres que ma vie bascule, et je n’exagère pas.
Ce critère de la sécurité est primordial pour comprendre les enjeux du « vélotaf », c’est-à-dire de celles et ceux qui se déplacent en vélo pour des raisons professionnelles. Dans une ville comme Genève le gain de temps est de l’ordre de 50%. Si vous mettez 50 minutes en transport public, vous en mettrez 25 en vélo électrique rapide ou 30 en vélo normal si vous êtes très sportif.
A la suite de métropoles européennes Genève a mis en place des mesures véritablement spectaculaires en divisant l’espace en deux entre voie pour les voitures et motos et voie pour les vélos sur des axes importants. C’est provisoire, et vu les réactions virulentes de politiques et figures publiques de droite, les milieux cyclistes, craignant un rétropédalage des autorités, ont lancé et une pétition qui devrait culminer prochainement à 15000 signatures, et une manifestation sur la plaine de Plainpalais où 2000 cyclistes ont effectué une boucle avec l’aide – il faut le souligner – des services de police qui ont joué les facilitateurs pour tenter d’éviter les confrontations avec les automobilistes.
Le vélo, comme moyen de déplacement urbain et péri-urbain, c’est sérieux. Autant que le train, l’avion ou la voiture. Et ce n’est pas un délire bobo que de le favoriser durant la crise du Covid, puisqu’il faut absolument éviter que les transports publics ne soient trop fréquentés. Combien de personnes n’osent pas faire le passage par crainte de se faire renverser ? Le vélo électrique permet en outre de ne pas arriver trop en sueur à son lieu de travail même porteur d’un veston-cravate, et évite des pics de fréquence cardiaque notamment dans les ascensions…
Parmi les opposants aux nouvelles voies cyclistes il y a des livreurs et des patrons de PME qui, peinant déjà à joindre les deux bouts depuis plusieurs semaines, se trouvent soudain entravés dans leurs déplacements déjà laborieux en fourgonnette. Le problème est que si les pendulaires évitent de prendre les transports publics et se rabattent sur la voiture, le réseau sera très vite saturé même en ne touchant pas les voies pour les voitures.
En Allemagne, des budgets ont été alloués pour permettre aux PME de tester la livraison en vélo triporteur à assistance électrique en en mettant gratuitement à disposition durant 15 jours, et le gain de temps est souvent au bout de la route, voir l’excellente émission d’Arte Xenius.
Si nous arrivons au niveau local à ne pas opposer les moyens de transports les uns aux autres, alors nous sortirons de cette crise par le haut, sachant qu’à vélo comme dans la vie en général le plus difficile c’est l’ascension. Pour les premiers chrétiens, qui ne connaissaient ni le vélo ni l’avion, l’Ascension exprime leur espérance de voir le juste qui a été mis à mort regagner une place glorieuse dans cet au-delà d’une réalité terrestre souvent impitoyable. L’espérance chrétienne n’enlève pas les difficultés, mais peut aider à les surmonter. Elle est d’autant plus nécessaire qu’à l’Ascension suit Pente-Côte. Et pour que les pasteurs à vélo, qui se déplacent parfois pour des raisons liturgiques notamment à Pâques, ne fassent pas rimer « vélotaf » avec dernier repas ou « cène au taf ».